Carte blanche : le bruit d’un génocide
[ Carte blanche des Territoires de la Mémoire – Juin 2025 ]
« Je n’ai jamais vu autant de méchanceté ; autant de personnes désireuses d’exprimer leur méchanceté ; rivalisant les unes avec les autres pour démontrer leur étroitesse et leur manque d’empathie. Je ne savais pas que les gens étaient capables d’être aussi mauvais. De se réjouir de la douleur des autres. De se réjouir quand les gens souffrent, meurent de faim, meurent, perdent tout ce qu’ils ont et meurent. C’est pourquoi je n’ai jamais eu aussi peur. » – Orit Kamir, professeure de droit et d’études de genre à la Hebrew University de Jérusalem et à l’Université du Michigan (Haaretz, 5 mai 2025).
Ces mots n’émanent ni d’une militante radicale, ni d’un opposant extérieur. Ils viennent du cœur même d’Israël. D’une voix progressiste, bouleversée, sidérée devant le spectacle d’une société, la sienne, occupée à sombrer dans la violence.
La bande de Gaza est le théâtre d’une destruction méthodique. Cela fait maintenant vingt mois que l’armée et le gouvernement israéliens infligent à la population de la bande de Gaza une guerre des plus brutales. Rien, absolument rien – pas même l’abjecte attaque terroriste du 7 octobre 2023 – ne peut justifier l’anéantissement d’un peuple. Nous ne reconnaissons aucune légitimité à l’organisation terroriste du Hamas, pas plus que nous n’en reconnaissons à un gouvernement qui foule aux pieds le droit international et piétine les principes fondamentaux de l’humanité. La terreur ne justifie pas le crime, et le crime ne légitime pas la terreur.
« Alors que les États débattent de la terminologie – s’agit-il ou non d’un génocide ? – Israël continue sa destruction incessante de la vie à Gaza, par des attaques terrestres, aériennes et maritimes, déplaçant et massacrant la population survivante en toute impunité » – Déclaration des rapporteurs spéciaux de l’ONU, 7 mai 2025.
Le terme génocide n’est donc plus réservé aux marges. Il est aujourd’hui employé avec gravité par Amnesty International, Human Rights Watch, la Fédération Internationale des Droits Humains, ou encore l’Organisation mondiale contre la torture. Et il résonne avec une lucidité glaçante dans les mots du journaliste gazaoui Rami Abou Jamous, la catastrophe est telle qu’il préfère d’ailleurs parler de « gazacide » qu’il estime plus à même de refléter l’ampleur du désastre.
Effectivement, selon l’ONU, 92 % des habitations sont détruites ou inhabitables. Les écoles, les hôpitaux, les lieux de culte, les terres agricoles, les musées, les universités : tout ce qui fonde une société, tout ce qui témoigne de la vie humaine, est systématiquement réduit en poussière.
Toujours selon l’Agence des Nations Unies, qui a publié son rapport annuel ce jeudi 19 juin 2025 « la violence contre les enfants lors des conflits armés a atteint [en 2024] des niveaux sans précédent, avec une hausse sidérante de 25 % des violations graves par rapport à 2023 ». Et parmi les zones où les violations des droits des enfants sont les plus nombreuses, les territoires palestiniens occupent le haut de la liste.
Nous, Les Territoires de la Mémoire, association qui trouve son fondement dans le travail de mémoire des atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale, prenons la parole aujourd’hui parce que le silence est devenu complice.
À l’heure où le Moyen-Orient s’embrase, avec des conséquences impossibles à imaginer, l’escalade de l’horreur à Gaza constitue un carrefour moral urgent. C’est aussi la mise à l’épreuve de décennies de politiques mémorielles, censées immuniser nos sociétés contre l’acceptation de l’indicible. Ce projet est en crise. À ce carrefour, chaque État, chaque organisation, chaque citoyen·ne est confronté·e à un choix.
Détourner le regard ou s’opposer.
Minimiser ou nommer. Se taire ou résister.
Nous taire plus longtemps, ce serait trahir notre mission.
Nous taire plus longtemps, ce serait trahir notre Histoire.
Nommer le génocide, c’est déjà résister.
Nous appelons à la fin immédiate des violences, à la protection des civils, au respect du droit international. Nous appelons à une mobilisation sans relâche de la société civile, des institutions et des États pour que cesse ce bain de sang.
La paix semble aujourd’hui un rêve impossible, mais elle reste la seule alternative à la barbarie.
𝐋𝐞𝐬 𝐓𝐞𝐫𝐫𝐢𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐌𝐞́𝐦𝐨𝐢𝐫𝐞
𝐶𝑒 𝑡𝑒𝑥𝑡𝑒 𝑒𝑠𝑡 𝑙𝑒 𝑛𝑜̂𝑡𝑟𝑒. 𝐼𝑙 𝑒𝑛𝑔𝑎𝑔𝑒 𝑛𝑜𝑡𝑟𝑒 ℎ𝑖𝑠𝑡𝑜𝑖𝑟𝑒, 𝑛𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑐𝑖𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑒𝑡 𝑛𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑟𝑒𝑠𝑝𝑜𝑛𝑠𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡𝑒́.