Aide-mémoire>Aide-mémoire n°84

Garder les pieds sur terre face aux théories du complot : retour sur une soirée éclairante

Par Julie Mignolet et Jérôme Delnooz

Du 22 janvier au 12 février 2018, l’Espace-rencontre de la Bibliothèque George Orwell a accueilli l’exposition L’analyse critique comme moyen de résistance aux théories du complot et leurs dérives radicales de l’asbl Ami entends-tu ? Un outil pour aborder un sujet plus que jamais d’actualité ! En effet, comme le mentionne l’asbl dans le dossier pédagogique lié à l’exposition : « Par le passé, certaines théories du complot se sont révélées être l’une des armes choisies pour stigmatiser une partie de la population (Juifs, communistes, Tutsi…). Aujourd’hui encore, les théories du complot sont générées par la méfiance et la peur dues à une multiplicité d’évènements angoissants tels que les conflits mondiaux, la crise économique, la menace terroriste ou encore les multiples scandales politiques. »

Vernissage de l’exposition et projection-débat autour d’Opération Lune le 25 janvier 2018

Le vernissage a été l’occasion pour le public de découvrir l’exposition et, avec Erika Donis (présidente de l’asbl Ami entends-tu ?) et Jérémy Hamers (professeur à l’ULiège en Communication) de s’interroger sur les difficultés actuelles rencontrées par la presse, sur sa fausse neutralité, sur l’usage politique des théories du complot, sur les mécanismes psychologiques qui mènent à l’adhésion à celles-ci…

Les questionnements et réflexions ont été alimentés par le visionnage du « documenteur » Opération Lune de William Karel. Ce film dénonce humoristiquement la manipulation de l’image et des informations à travers une construction médiatique mêlant vraies et fausses archives, jeux d’acteurs et extraits d’entretiens réels, et parvenant à corroborer l’idée d’un marché secret passé entre le réalisateur Stanley Kubrick et la Maison Blanche pour la réalisation des images des premiers pas sur la Lune…

En définitive, de ces échanges est ressortie la nécessité d’une bonne formation aux médias et l’idée que les théories du complot, basées sur les croyances d’une personne et fonctionnant avec une inversion de la charge de la preuve, peuvent être très difficiles à démonter avec une approche strictement argumentative ou rationnelle. Au lieu de tenter d’agir sur la théorie ou le message, il est probablement plus efficace d’agir à un autre niveau, sur la forme. D’aborder avec ces personnes la question des outils critiques en leur possession, et de les inciter à les appliquer à leurs raisonnements.

Entre l’hypercritique et le manque d’esprit critique, un équilibre serait à trouver afin d’échapper aux filets des complotistes : du doute et de l’esprit critique à bonne dose à appliquer à chaque élément… y compris nos propres croyances et leur dimension émotionnelle. Dans cette optique, nous sommes tous concerné-e-s, et il convient de ne pas rejeter de manière méprisante les personnes qui adhèrent aux théories conspirationnistes.

Visite de l’exposition et projection d’Opération Lune

Dans le prolongement du vernissage, le 6 février 2018, les permanents des Territoires de la Mémoire ont pu réaliser un autre exercice pédagogique autour de cette problématique. Sur demande d’un professeur de l’école secondaire Saint Benoît-Saint Servais, une projection d’Opération lune a été réorganisée avec un groupe de rhétos issus de cet établissement.

La question des sources et de la manipulation de l’image a déclenché le débat au sein du groupe : par le paradoxe entre des séquences invraisemblables et l’implication de garants médiatiques tels que Arte et France 2, le doute était instauré… Les participants ont ainsi tâché de démêler le vrai du faux en isolant et décortiquant ces mécanismes qui les avaient préalablement induits en erreur. Sortant de l’animation avec un esprit critique plus affuté. N’était-ce pas là l’objectif poursuivi ? Pari gagné !