Aide-mémoire>Aide-mémoire n°77

Le mot de la présidente : Il est des mots communs..

Par Dominique Dauby

Dominique Dauby la présidente

Il est des mots communs qui circulent dans de paresseux médias mais aussi, dans nos conversations courantes, mine de rien, comme s’ils allaient de soi : la mer tue les candidat/es réfugié/es, la crise frappe les plus défavorisé/es…

On peut supposer, si c’est bien la mer qui tue les migrant/es, qu’il n’y a pas grand-chose à exiger des pouvoirs politiques pour mettre fin à ce massacre. Ni œuvrer avec force à la fin de la guerre en Syrie (c’est tout sauf simple, oui, et alors ?), ni financer la construction de lieux d’hébergement dignes de ce nom en Grèce (pour rappel, l’essentiel des montants prêtés à la Grèce retournent immédiatement dans les banques européennes), ni sanctionner les pays membres de l’Union qui ferment leurs frontières par les armes (avec des balles réelles, en Hongrie, faut-il le rappeler ?), encore moins ouvrir plus largement les frontières de l’Europe (le gouvernement belge vient de décider la fermeture des places, aujourd’hui excédentaires, dans les centres d’accueil pour réfugié/es). La mer tue, soit, qu’y pouvons-nous, passons à d’autres actualités, le bébé panda par exemple…

La crise, elle, frappe les plus défavorisés. Par inadvertance ? Il n’y a pas de choix ni de responsabilités politiques derrière cette frappe ? Personne qui gagne, là où d’autres perdent ? L’anonymat de « la crise », autant que son caractère « naturel » et inévitable, permet de faire l’impasse sur les fondements de notre organisation économique et sociale, sur ses structures profondément inégalitaires. Circulez, il n’y a rien à voir ni à penser…

L’extrême simplicité des formules piège notre pensée plus souvent et plus profondément que nous ne l’imaginons. Comment construire une vision critique du monde si les mots qui le décrivent en masquent la réalité ? Quel engagement citoyen soutenir sans discours, autrement dit, sans projet précis[1] ?

Depuis leur création, les Territoires de la Mémoire s’attachent au sens des mots, aux contextes dans lesquels ils évoluent. Ainsi, utilisons-nous avec prudence et précision, les termes « fascisme », « extrême droite ». Sans une telle exigence, nous prendrions le risque de disqualifier les analyses et arguments qui pointent la dangerosité et l’actualité de ces idéologies liberticides.

  1. Pour résister au langage uniformisé qui colonise notre cerveau, l’asbl PhiloCité propose une formation d’autodéfense intellectuelle : www.philocite.eu