Illustration du numéro 93

Dans ce 93e numéro, la revue Aide-mémoire explore certaines réalités de l’exil, sa mémoire et sa transmission. L’exil, châtiment politique, voit l’individu arraché de force à sa vie, à ses repères, aux siens et expulsé brutalement de son univers. Si certains, chiliens, espagnols pour ne citer qu’eux, ont fini par pouvoir rentrer dans leur pays, le traumatisme ne s’est jamais effacé. Et ce qui est vrai pour les exilés politiques l’est également pour les réfugiés économiques et climatiques, ainsi que pour tous ceux forcés de fuir pour sauver leur peau. De là, l’importance du petit bagage que chacun emporte avec soi – un engagement politique, sa langue natale, une pratique culinaire, une mémoire familiale – et qu’il pourra éventuellement transmettre afin de retisser du lien entre les différents mondes qu’il aura pu connaître, les différentes générations qui auront pu se succéder, les différents combats qui auront pu être menés.

Illustration ci-dessus : Éxodo, Fondo Isabel Morel. Colección Museo de la Memoria y los Derechos Humanos.

Ce numéro a été illustré par des arpilleras dont les droits de reproduction nous ont été accordés par le Musée de la Mémoire et des Droits humains (Museo de la Memoria y los Derechos humanos) de Santiago du Chili.

Editorial
L’exil comme une condamnation à mort ?

Par Julien Paulus

Condamné à mort suite au procès qui lui fut fait pour impiété, le philosophe Socrate aurait facilement pu, selon ses contemporains, éviter l’application de la sentence et fuir. Il refusa. Dans son Apologie de Socrate, son disciple Platon lui prête ces mots : « Me co […]

L’exil chilien à Liège, trois générations en miroir

Par Lorena Ulloa

Lorsqu’on parle d’exil politique, de générations et de transmission, on pense toute de suite à l’héritage politique que les générations qui l’ont vécu ont transmis à leurs descendants. L’exil politique étant une migration forcée par des causes politiques, il est prévisib […]

Tous surveillés, pour notre bien ?

Un corpus documentaire proposé par « The Conversation »

Du marketing commercial au marketing politique, le pas est franchi ! L’usage des technologies numériques exploitant nos données personnelles est aujourd’hui une réalité qui doit nous préoccuper.

Jusqu’il y a peu, le monde politique s’intéressait par le biais de sondages […]

Les arpilleras : De fil en aiguille, lutter contre la dictature, le patriarcat et l’oubli*

Par la rédaction

On sait de la dictature militaire chilienne (1973-1990), combien elle a exercé une terreur et un contrôle total sur la société au moyen d’une violence institutionnelle et militaire sans précédent.

Si ceux-ci s’exerçaient sur tous les opposants politiques (ou suspectés d […]

La cuisine en contexte migratoire : identité, mémoire et participation

Par Elsa Mescoli

Les réflexions que je présente dans cette courte contribution sont issues de mes recherches dans le domaine de l’anthropologie de l’alimentation. Plus particulièrement, je m’intéresse aux pratiques culinaires et aux habitudes alimentaires de migrant.e.s ou individus issu […]

Qui se souvient ? Sociologie de la mémoire familiale

Entretien avec David Lepoutre

Gaëlle Henrard : Pourriez-vous recadrer brièvement l’objet et le déroulé de l’étude que vous avez menée auprès de ces adolescents issus de ce qu’on appelle communément « les quartiers populaires » et qui font l’objet de votre livre _Souvenirs de familles im […]

De la « double absence » à la patrimonialisation : réflexions sur les effets des initiatives mémorielles autour des migrations

Par Maite Molina Mármol

Les immigrés, figures longtemps déclinées au masculin et pensées à partir de la situation du travailleur manuel1, ont aussi souvent été considérés comme des hommes sans racines. La formule bien connue d’Abdelmayek Sayad les définit par leur « double a […]

Sur les traces de l’exil. Placer les enfants et les jeunes au cœur de la réflexion

Par Élodie Razy

En Pays Soninké, au Mali, même les gens ne parlant pas français couramment connaissent le terme « exil » et l’utilisent, eux qui partent durant de longues années travailler loin de chez eux, loin des leurs, vers la France notamment où ils ont vécu – et vivent  […]

Mots
Exil

Par Henri Deleersnijder

Il est intéressant d’apprendre que le premier sens du mot « exil » est, selon le Dictionnaire historique de la langue française, « malheur, tourment ». C’est au XIIe siècle qu’il prend la signification moderne d’« expulsion de quelqu’un hors de sa patrie, av […]

Les mots des médias sur la migration

Par Olivier Starquit

Dans la vie politique, le choix des mots n’est jamais anodin. En effet, le langage n’est pas un simple outil qui reflète le réel, mais il crée également du réel en orientant les comportements et la pensée. Pour le dire autrement, le langage revêt une importance capitale  […]

Le non-conformisme, euphémisme de l’extrême droite

Une chronique de Julien Dohet

L’extrême droite aime à se présenter comme un mouvement d’opposition au système, comme une victime de la « bien-pensance », évidemment de gauche, qui aurait pour conséquence que l’on ne pourrait plus rien dire. Ce positionnement stratégique vise principalement à faire sa […]

Le Mot du président (93)

Par Jérôme Jamin

Si les statuts de notre association ne mentionnent nulle part la santé parmi nos principaux objets sociaux, notre combat n’aura jamais été aussi important depuis le début de la pandémie ! Par rapport à des enjeux anciens qui remontent en puissance, par rapport à l’actual […]

La Bibliothèque George Orwell présente

Nathalie Constans et Anya Belyat-Giunta, Je ne suis pas la bête à manger, Les Éditions du Chemin de Fer, 2013, 18 €

Je ne suis pas la bête à manger
Je ne suis pas la bête à manger

Récit d’une rencontre improbable de trois personnages étranges dans un monde post-apocalyptique. Il y a d’abord No Ouère, petite fille sauvage « élevée » par un couple de vieux dans le seul objectif de sa survie, elle sait chasser, tuer et dévorer les lièvres. Puis Ozer, invisible à No Ouère, c’est un « putain d’elfe […] le ventre rond comme une bulle et un costume trois pièces ». Ubodie, troisième personnage, qui nous ressemble le plus, est une femme qui élève des lapins pour les vendre et payer ses dettes dans une ville où l’industrie de la voiture s’est effondrée, comme à Detroit (Michigan, USA). Cette ville complètement effondrée représente notre société consumériste arrivée en bout de course. Ils s’enfuient en montant à bord d’un paquebot, rempli de voitures et où les riches habitent sur les ponts supérieurs. Ozer va les conduire sur une île qui n’existe pas, coupée en deux par un fleuve, l’île Nonlieu où vivent d’autres elfes. Une île déchirée par deux plaques tectoniques, une île qui pourrait être l’Éden ou Utopie.

« Seul le talent étonnant de Nathalie Constans pouvait créer ce conte déjanté, nourri de culture rock et de mythologie nordique. Inventant une langue, un univers, elle interroge la littérature elle-même, son pouvoir sur le monde et les hommes. Sous couvert d’un récit héroïque, elle dénonce la faillite d’une économie mondialisée, l’ostracisme et le joug de la consommation devenue culture de masse. » (site de l’éditeur)

Pascal Bresson et Sylvain Dorange, Serge et Beate Klarsfeld : un combat contre l’oubli, La Boîte à Bulles, 2020, 25 €

Serge et Beate Klarsfeld : un combat contre l’oubli
Serge et Beate Klarsfeld : un combat contre l’oubli

1960. Serge est français, enfant d’un père juif assassiné à Auschwitz. Béate est allemande, membre d’une jeunesse qui peine à vivre dans une société conservatrice et empreinte de déni par rapport à son passé nazi. Les deux tombent amoureux… le jour de l’arrestation du SS Adolf Eichmann. Tout un symbole ! À travers le jeune couple, ce sont alors deux types de mémoires qui se rencontrent, se répondent et s’entremêlent. Il s’agit d’assumer leur responsabilité commune face au passé. Un constat de départ qui les engage à « quitter la voie normale pour une vie singulière » dédiée au « militantisme de la mémoire ». En effet, pendant trois décennies intensives, et encore actuellement, ils vont mener un combat contre l’oubli ; d’une part, contre l’impunité d’anciens criminels de guerre nazis (protégés – parfois même réhabilités – par les autorités ou le silence de la société), et d’autre part, pour la réhabilitation des victimes. Ces « chasseurs de nazis » réussiront à braver maints obstacles, et leur insatiable quête de justice débouchera sur de nombreuses victoires, parmi lesquelles la condamnation de Klaus Barbie, le « Boucher de Lyon ».

Une forme d’admiration pour les Klarsfeld transparaît dans le récit de Pascal Bresson et le graphisme de Sylvain Dorange. Leur « BD hommage » repose sur un énorme travail biographique, très détaillé, mais dont le dessin épuré, les pincettes d’humour et le style « roman d’aventure » rendent la lecture des plus agréables !