Le domicile est inviolable

Cette année, au lieu du Père Noël qui entre par la cheminée, aurons-nous les policiers pour forcer la porte?

Le flou inquiétant sur la possibilité pour les forces de l’ordre de faire des visites domiciliaires durant les fêtes de fin d’année, notamment en vue de vérifier le nombre de convives, constitue une nouvelle atteinte à l’inviolabilité du domicile privé, un principe constitutionnel.

Le manque de clarté dans la formulation de ces mesures favorise l’arbitraire dans l’interprétation de ce qui sera ou non permis aux forces de police. De plus, autoriser ce type d’intervention favorise dans la population le sentiment que dénoncer son voisin est légitime. Les Territoires de la Mémoire asbl, relayent l’initiative du Centre d’Action Laïque, et veut alerter pouvoirs publics et population: nous devons nous opposer aux dérives et faire preuve d’une extrême vigilance.

Les divergences d’interprétation, avant même la mise en œuvre de cette mesure, illustrent la pente actuelle vers un grignotage des droits fondamentaux. En raison de circonstances exceptionnelles, ceux-ci peuvent être limités ou mis entre parenthèses. La crise sanitaire a vu une succession de lois, décrets, ordonnances, arrêtés et circulaires allant dans ce sens, restreignant des libertés aussi fondamentales que la liberté de se déplacer et de se rassembler. Si au début de la crise, société civile et monde judiciaire avaient les moyens de rapidement analyser les atteintes à nos droits fondamentaux, la multiplicité des mesures et leur adaptation en fonction des circonstances a rendu la tâche nettement plus compliquée.

Déjà avant la crise du coronavirus, que ce soit en arguant du contexte terroriste ou de ce qu’on a appelé « la crise migratoire », mais aussi pour lutter contre la « fraude sociale », les autorités ont à plusieurs reprises voulu briser l’inviolabilité du domicile et donc le respect de la vie privée et familiale. Nous refusons que ces principes, consacrés dans les articles 15 et 22 de la Constitution belge, constituent une variable d’ajustement des politiques belges. Les dégâts, un jour ou l’autre, seront irrémédiables. Ils se font déjà sentir: l’incitation à la délation et à la dénonciation menace la cohésion sociale, oppose les uns aux autres, érigeant chaque citoyen.ne en censeur ou relais des forces de l’ordre. Est-ce cette société-là que nous voulons, à l’heure où la solidarité et les valeurs démocratiques chèrement acquises s’avèrent indispensables pour réparer les dommages de la pandémie? Nous devons protéger nos libertés fondamentales!

Face à la menace physique qui pèse sur nos concitoyen.nes en termes de santé, nous ne devons pas baisser la garde, mais notre devoir est aussi de faire respecter le principe de proportionnalité.

Sur le fond comme sur la forme, il y a évidemment des différences majeures entre l’objectif de mesures prises pour éradiquer un virus et celles d’une stratégie globale de lutte contre le terrorisme. Le mouvement laïque comme Les Territoires de la Mémoire asbl ont toujours plaidé pour un juste milieu entre la préservation de nos libertés et la sécurité du plus grand nombre. Cette recherche d’équilibre ne sera jamais remise en cause tant qu’elle se fonde sur l’intérêt général.

A cet égard, les Territoires de la Mémoire asbl plaide pour revenir au respect strict d’un principe constitutionnel: « le domicile est inviolable » (1).

(1) Constitution belge, article 15.